A quoi nous servent nos fantasmes ?

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Editor Odess

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Article rédigé par : Chloé Duval, Psychosexologue.

Le fantasme érotique est un phénomène particulièrement intéressant, auquel on n’accorde pas toujours l’importance qu’il mérite. Il est vrai que nous ne sommes pas tous égaux devant nos fantasmes. Certaines personnes les assument pleinement, d’autres en ont honte. Certaines personnes peuvent les communiquer avec aisance, pour d’autres il est impossible d’en parler : trop intime, ou trop tabou. Certaines personnes considèrent qu’elles n’ont aucun fantasme. Pourtant les fantasmes érotiques sont un phénomène naturel. Tout le monde en a – mais tout le monde n’a pas conscience d’en avoir, car les fantasmes peuvent être conscients ou inconscients.

Savez-vous que le plus puissant organe sexuel de l’être humain est le cerveau ? Je vous invite à vous intéresser de plus près à vos fantasmes. Que sont les fantasmes érotiques et d’où viennent-ils ? Quel est leur rôle ? Comment peuvent-ils favoriser l’épanouissement sexuel ?

Qu’est-ce qu’un fantasme ?

Fantasmer, c’est utiliser l’imaginaire pour s’auto-érotiser mentalement. 

L’intensité de notre excitation dépend de l’intensité d’une stimulation mécanique et des stimuli arrivant par les nerfs crâniens au cerveau (stimuli gustatifs, olfactifs, auditifs, visuels). Les pensées érotiques ont aussi un rôle primordial dans l’intensité de notre excitation et dans notre épanouissement sexuel au sens large. Cet imaginaire érotique utilise soit des situations réellement passées, soit des situations fictives. Notre érotisme est fait de rêve et de réalité. 

On associe souvent les fantasmes à des scénarios complets. En réalité le fantasme peut aussi être quelque chose de court, même fugace : une situation, un mouvement, une image, une phrase, un mot qu’on se dit à soi-même, une sensation. La thérapeute Margot Fried Filliozat souligne la différence entre fantasmer et avoir des fantasmes. Avoir des fantasmes, c’est souvent compris comme une liste de pratiques sexuelles qu’on a envie de réaliser. Fantasmer, c’est plutôt se laisser aller à une rêverie plus ou moins consciente, en tout cas absolument personnelle qui favorise la naissance de notre excitation sexuelle ou le déclenchement de notre orgasme.

Il existe des fantasmes primaires et des fantasmes secondaires. Les fantasmes primaires sont ceux qui naissent, souvent très tôt, dans l’enfance, à la suite d’événements parfois traumatiques (abus, attouchement par exemple) parfois bénins (vision d’un film ou d’une scène de la vie quotidienne par exemple). Ces événements ont apportés à l’enfant une émotion sensuelle ou sexuelle*. Ils sont alors encodés sous forme de fantasmes primaires, avec un fort pouvoir érogène. Les fantasmes primaires durent dans le temps et ne changent pas. Les fantasmes secondaires, eux, ont une durée de vie plus brève. Ils trouvent leur source dans des événements ou stimulations du quotidien (un.e inconnu.e croisé.e dans la rue, un flirt avec un.e collègue de bureau…). Ils sont utilisés un temps, puis remplacés par d’autres fantasmes secondaires.

A quoi servent les fantasmes ?

Les fantasmes jouent plusieurs rôles, voici les principaux :

  • Un rôle aphrodisiaque : faire monter l’excitation sexuelle ou déclencher l’orgasme. Les fantasmes sont utilisés de façon plus ou moins consciente dans un moment d’érotisme en solo ou avec partenaire. Les fantasmes n’ont pas tous la même valeur excitatoire : de manière schématique, certains vont favoriser l’éveil du désir et d’autres vont favoriser l’orgasme. Il semblerait que pour être actif et efficace, le fantasme doit être interdit – mais non censuré par la personne. Cela explique pourquoi le fantasme est rattaché à un tabou et génère de la culpabilité pour beaucoup de personnes.

A noter : utilisé comme unique source d’excitation, le fantasme dans son rôle aphrodisiaque peut aussi parfois s’avérer contre-productif en nous éloignant du moment présent, de nos ressentis corporels, ou de notre partenaire.

  • Un rôle motivant pour passer à l’action : le fantasme peut aider à passer de l’imaginaire à la réalité. Cela ne signifie pas qu’il a vocation à être forcément passé à l’acte. Réaliser un fantasme peut être un merveilleux boost dans sa sexualité. Cela peut aussi avoir des conséquences difficiles. Une fois réalisé, il arrive que le fantasme perde son pouvoir excitant : soit parce que le passage à l’acte est décevant, le scénario ne se déroule pas comme prévu, soit parce qu’il s’avère an-érotique : la situation est mal vécue dans la réalité, ressentie comme trop gênante par exemple.

Dans certains cas, la réalisation du fantasme peut même être vécue comme traumatisante. Donc, prudence avant de partager un fantasme ou de le réaliser. 

  • Un rôle défensif et de compensation : la capacité à fantasmer serait signe d’une bonne santé psychique car elle permet de réguler des désirs ou des peurs inconscient.e.s. Le fantasme de viol, fantasme plutôt courant, est un bon exemple de régulation. Il peut servir par exemple à réguler une peur de la violence : en effet dans mon fantasme, je suis aux commandes du scénario, je décide, je stoppe quand je veux etc. A travers le fantasme, je reprends donc pleinement le pouvoir sur une situation d’impuissance qui me fait peur. 

La possibilité d’utiliser des fantasmes témoigne d’un bon équilibre érotique et psychoaffectif. Pour certaines personnes au contraire, des défaillances de la fonction fantasmatique pourrait être à l’origine de somatisation.

  • Un rôle de facilitateur : Ce rôle est notamment expliqué par le Dr. Michael J.Bader, psychologue américain.  Les fantasmes, aussi bizarres et sinueux qu’ils peuvent paraître, sont le fruit de notre recherche fondamentale de sécurité dans la sexualité. En gros, nos fantasmes nous mettent dans des conditions de sécurité intérieure nécessaires pour se laisser aller au plaisir sexuel et à l’orgasme. Pour reprendre l’exemple du fantasme de viol : il peut servir à nous libérer d’une forme de culpabilité (inconsciente ou pas) face au désir sexuel : si je suis « forcé.e » ce n’est pas de ma faute, c’est l’autre le « coupable ». 

 

Considérons nos fantasmes avec curiosité

Parfois la capacité de fantasmer semble éteinte et cela a des répercussions sur la qualité de notre vie sexuelle : difficultés d’érection, troubles de l’éjaculation, troubles du désir, troubles du plaisir, troubles de l’orgasme. Une des raisons les plus courantes à ce phénomène (mais pas la seule) est l’utilisation systématique de la vidéo porno dans la masturbation. En effet le support vidéo invite notre cerveau à se mettre en mode passif, « consommateur de sexualité ». Quand elle est trop habituée à ce mode, la fonction fantasmatique du cerveau devient paresseuse. Et notre capacité à ressentir de l’excitation et du plaisir en pâtit. C’est pourquoi les plate-formes comme myodess sont intéressantes. En proposant des supports audio ou écrits, même des supports interactifs dans certains cas, myodess sollicite nos capacités à fantasmer et c’est très bon pour une sexualité épanouie !

Propres aux êtres humains, les fantasmes érotiques peuvent constituer l’un des aspects les plus puissants et les plus excitants de notre sexualité. Ils nous ouvrent des portes pour explorer de nouveaux désirs et de nouveaux plaisirs. Ils peuvent ajouter une touche de fun et d’excitation à nos vies sexuelles en solo ou avec partenaire. 

Cependant nous sommes souvent bloqués dans l’exploration de nos fantasmes, retenus par une hésitation, une honte parfois, entretenus par un regard culpabilisant de la société et/ou des insécurités personnelles. 

Et si nous nous autorisions à plonger dans nos fantasmes sans honte, sans jugement, avec curiosité et bienveillance ? C’est ce que l’on fait parfois au cours d’un suivi de sexologie et c’est instructif, enrichissant et libérateur. 

* Les enfants n’ont pas une sexualité construite, au sens adulte du terme, ils n’en ont pas la maturité physique ni psychique. Les enfants n’en sont pas moins des êtres sexués qui peuvent ressentir du plaisir génital ou des émois érotiques, parfois par hasard, sans y mettre nécessairement du sens.

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Autrice : Chloé Duval – Psychosexologue.

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